Laboureur

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Les termes désignant les différentes catégories de paysans sont très variables selon les régions.


Haut Languedoc et Haute Guyenne (Quercy et Rouergue)

on distingue sous l'Ancien Régime trois classes (ou catégories ou castes) :

  • Les brassiers (plus ou moins équivalents à ouvriers agricoles). Ils peuvent parfois posséder une maison et un lopin de terre mais pas suffisant pour en vivre. Ils louent donc leur force de travail (leurs bras).
  • Les métayers. Eux aussi peuvent être propriétaire d'un petit bien mais ne peuvent en vivre.
  • Les laboureurs. Ils sont propriétaires de leur exploitation, quelle qu'en soit la taille. Ils sont leur propre maître et peuvent avoir même des employés (en dehors des travaux saisonniers). Certains peuvent être pauvres mais c'est quand même le plus souvent la catégorie la plus aisée. On emploie de plus en plus au long du XVIII° le terme "ménager" pour désigner les plus aisés d'entre eux. Le mot "paysan" est aussi employé.

Ces trois catégories se retrouvent dans les registres de capitation. Il faut laisser à part une autre catégorie très répandue dans le Toulousain et le Lauragais: les maître-valets. C'est une autre histoire plus complexe.


"maître-valets", trouvé vers la fin Fin XIX° début XX° dans le nord-est toulousain.

Dans la partie "Gasconne" du Tarn et Garonne, le maître-valet, au début du XX° siècle, était un des échelons des "classes" des travailleurs de la terre :

  • le journalier, successeur du brassier, était embauché "à temps non déterminé" pour les gros travaux"
  • le métivier entrenait et récoltait tel ou tel champ et recevait, en principe 1/5 de la récolte.
  • l'ouvrier agricole était en "CDI" sur l'exploitation où il était logé et nouri,
  • le maître-valet, était une sorte de contre-maître logé sur l'exploitation, ayant souvent des ouvriers sous ses ordres. La direction de l'exploitation dépendant du patron.
  • le bordier = métayer, contrairement au maître valet pouvait apporter du bétail ou du matériel à l'exploitation et gérait l'exploitation. Les charges et récoltes étaient partagée "à mi fruit" entre le bordier et son patron.

L'évolution de l'agriculture après 1945 à fait disparaître les métayer, dont un grand nombre sont devenus "propriétaires exploitants" tandis que les "propriétaires non exploitant" ont étés tous contraints de vendre leur bien foncier. Bordier a donné "borde" qui désigne une exploitation qu'elle soit menée par l'exploitant, un bordier ou un fermier.

  • Dans les actes trouvés dans cette région "laboureur" pouvait s'appliquer de "l'ouvrier agricole" à celui qui sera dénomé plus tard "ménager de son bien" puis "propriétaire exploitant.

Source R. GRANIÉ


Rouergue et au nord de l'Albigeois

Il y avait une catégorie intermédiaire entre le laboureur ayant au moins une paire de boeufs et le brassier n'ayant que ces bras à louer, c'est le vacassier. Cette mention était parfois utilisée dans les registres paroissiaux du XVIIIeme siècle, soucieux d'être fidèles à la hiérarchie précise et stricte des travailleurs de la terre. Il s'agissait du paysan propriétaire de quelques terres, n'allant à la journée que de temps à autre (contrairement au brassier) et utilisant pour travailler ses terres une paire de vaches pour tirer l'attelage.

Cette catégorie de paysans pauvres, très répandue encore dans les années 1945-70 dans les régions vallonnées du Segala rouergat, zone de petites exploitations agricoles. Ils labourent avec une paire de vaches "dondas" (dressées pour le travail de la terre).

Le terme est spécifiquement rouergat et attesté par Mistral (TDF). " Jean-Louis Dega



RFG avril-mai 1988, page 16, de Paul FAVIN : LE LABOUREUR

"... Dans notre arbre généalogique nous trouvons , par exemple, au milieu du 18° siècle un notaire royal dont le père était laboureur. Nous nous sommes longtemps interrogés sur la signification exacte de cette appellation. Au 18° siècle, qu'était-ce précisément un "laboureur" ? Une première réponse nous est fournie par ce bon LA FONTAINE dans sa fable 'Le laboureur et ses enfants' : "Un riche laboureur sentant sa mort prochaine fit venir ses enfants, leur parla sans témoins : Gardez-vous, leur dit-il, de vendre l'héritage que vous ont laissé vos parents..." Ainsi donc, et bien entendu, le laboureur était un cultivateur, mais c'était également et surtout un propriétaire. Il était plus ou moins riche, mais il laissait à ses enfants un héritage de terres.

En relisant "La vie quotidienne sous Louis XV", de Charles KUNSTLER (Librairie Hachette), nous avons une confirmation de cette interprétation. En effet nous pouvons lire au chapître VIII : Durant la seconde moitié du règne de Louis XV, la propriété paysanne se morcelle à l'infini (surtout les vignobles) et les paysans finissent par représenter près de 90 pour 100 du nombre de propriétaires. Mais ces propriétaires possèdent pour la plupart, d'infimes parcelles de terrain.

C'est l'étendue de ces domaines qui déterminent en fait les différentes classes paysannes.

Pour vivre de la culture de ses champs il faut posséder au moins 5 hectares. Ceux qui remplissent ces conditions constituent une sorte d'aristocratie villageoise, LA CLASSE DES LABOUREURS. Mais rares sont ces privilégiés ; le plus grand nombre possède au plus un hectare. Aussi sont-ils obligé de travaillé pour autrui. Disposent-ils de quelques avancent, ils se font FERMIERS ou METAYERS. Sont-ils dépourvus de tout bien, ils se font JOURNALIERS ou DOMESTIQUES.

Pour cultiver le domaine une seule pensée le hante : épargner et employer ses épargnes à acheter des terres, à s'arrondir... Les agents du fisc et des tailles dénombrent d'un oeil satisfait, ses humbles richesses. Leurs exigences obligent souvent le villageois à vendre ses bestiaux pour payer ses tailles...

Un peu plus loin nous lisons : Beaucoup de petits propriétaires ruraux ne se contentent pas de cultiver leurs champs. Pour améliorer leur sort, ils exercent un autre métier d'appoint, sont meuniers, maçons, charpentiers, tailleurs, bourreliers, charrons, cordonniers, cabaretiers, maréchaux-ferrants, maîtres de postes ...

Ceci explique les qualifications un peu surprenantes relevées dans des actes : aubergiste et laboureur, chirurgien et laboureur..."


Livre "Qui étaient nos ancêtres" de Jean-Louis BEAUCARNOT, aux pages 64 à 75

Le laboureur est "celui qui possède l'instrument aratoire", qu'il soit propriétaire ou non. On lira dans ce texte que, souvent, certains petits laboureurs n'étaient pas... propriétaires, surtout sous l'Ancien Régime : En bref, être laboureur était le passage obligé pour celui qui, parti de rien, voulait gravir l'échelle sociale. Les plus opportunistes devenaient Marchands-Laboureurs ou marchand, ils étaient quasiment des notables, on leur donnait alors le qualificatif de courtoisie d'"Honorable" ou de "Maître". Ils étaient en fait des entrepreneurs, source d'emplois. - Honorable : Appellation marquant le respect dû à un homme estimable, aisé et influent (équivalent féminin : Honnête). - Maître : Hors de l'artisanat, appellation donnée à l'homme aisé et indépendant, ayant une domesticité (meunier, fermier...)

C'est ainsi que les cas de parcours de "Laboureur" à "Noble" ont été nombreux : Dans le Cantal nous avons à Cheylade l'exemple de la famille LABROHA, laboureurs qui s'installèrent ensuite comme Notaires et procureur fiscal, puis rachèteront massivement des terres et droits seigneuriaux et passerons ainsi, en moins d'un siècle, à l'état de seigneur puis de noble : Noble homme Jacques de LABROHA, écuyer, sgr du Chauvier et du Foulhoux (acte de 1612). Ses descendants s'allieront bientôt aux descendants de vieilles familles chevaleresques.

Avant la révolution cependant beaucoup de laboureurs n'étaient pas propriétaires. Il ne possédaient généralement pas le sol, mais les instruments de production (selon les régions la charrue ou l'araire et un attelage de boeufs, de chevaux ou de mulets), fait nettement figure de "Français moyen". Son statut économique à bien sûr varié selon les époques, les lieux et les cas. Si l'on rencontrait des "laboureurs à bras", ne possédant pas d'attelage, des "laboureurs à demi-charrue", partageant avec un frère ou un voisin la propriété des instruments aratoires, et qui exerçaient en parallèle une petite activité artisanale.

Le laboureur, et plus encore le marchand-laboureur, est donc bien un capitaliste. Il n'hésite pas à prendre des risques. Sa fortune restant longtemps mobilière (attelages, troupeaux, récoltes...), il n'est jamais à l'abri d'une conjoncture difficile ou d'une catastrophe naturelle, comme une mauvaise récolte, une plante parasite, le gel ou la sècheresse. Qu'il tombe malade ou qu'il meure avant que ses fils assurent la relève et voilà sa femme et ses enfants qui dégringolent l'échelle sociale, à moins que sa veuve ne puisse se remarier très vite, avec un veuf de son milieu ou, ce qui est plus rare, avec quelque journalier courageux, prêt à payer de son travail et de son indépendance cette promotion inespérée. Notre gros laboureur ou notre marchand-laboureur, donnait généralement le jour à une famille nombreuse. Ils n'hésitait pas à établir ses enfants en les plaçant en apprentissage auprès de ceux avec lesquels il était en relation de travail (meunier, cabaretier, maréchal-ferrant), plaçant aussi un de ses enfants chez le curé, comme sacristain ou marguillier en attendant mieux, et un jour celui-ci, devenant à son tour curé de préférence sur la paroisse, pourra, entre autres, faire jouer de son influence auprès de nobles et notables, et obtenir des transactions intéressantes pour sa famille.

Un autre texte, celui-ci de Christian MAZENC dans la RFG n°76, octobre 1991,page 34, donne aussi un court aperçu du laboureur. On y retrouve à peu prêt ce que déjà explicité mais sous une autre forme : "... Le laboureur, en un premier temps, possédait ce qui faisait cruellement défaut aux autres, l'appareil aratoire (charrue, attelage). Il peut être considéré comme l'ancêtre de nos modernes entrepreneurs de travaux agricoles qui parcourent le paysage rural français avec leur matériel. Les laboureurs, selon GOUBERT, possédaient également une certaine surface cultivable, plus ou moins grande selon les régions. Ils étaient souvent fermiers d'autres terres, ce qui leur permettait les années de disette de moins souffrir que les autres de la famine... et étaient donc moins miséreux que leurs congénères, haricotiers (1), manouvriers, brassiers et autres ménagers."


Le Haricotier

Il est le prototype du paysan indépendant dont le domaine de 3 ou 4 hectares maximum ne lui permet pas de vivre convenablement. Ses temps libres, il les emploie dans les grosses exploitations voisines où en contrepartie de son travail il loue quelques parcelles supplémentaires. L'haricotier possède toujours une maison, même si elle est en planche ou en mauvais torchis. Son indépendance ne lui est pleinement acquise que les années d'opulence. Les années de disette il survit grâce à l'emprunt, en signant des obligations qu'il ne pourra jamais honorer, pris qu'il est dans un cycle infernal.